Noël au Liban

Le meilleur souvenir que j’ai de la fête de Noël au Liban remonte à mon enfance. Toutes les fêtes de Noël en cette période étaient splendides… Cela pour deux raisons : la première, j’imagine qu’entre Noël et l’enfance il y a comme un pacte de charme ; la deuxième, c’est que quand j’ai eu 18 ans, en 1975, on ne fêtait plus Noël comme avant, à cause de la guerre…

Mon village natal est dans une vallée appelée « Wadi Al arayech » ce qui veut dire : « La Vallée des vignes », nichée dans l’est du Mont-Liban et traversée par un torrent appelé « Berdaouni »,
c’est-à-dire « rafraichissant » d’autant plus quand il fait 35° à l’ombre. Un climat idéal : l’hiver, c’est la neige, le gel, et le froid, le printemps et l’été sans aucune pluie, et l’automne revient avec des petites averses à partir de la Sainte Croix, le 14 septembre… Oui, c’est dans cette vallée que j’ai commencé à aimer le petit Jésus dans la petite crèche qu’on faisait à la maison
et dans la grande qu’on préparait à l’église du village. Dans le rite maronite, le temps de l’Avent est plus long que celui dans notre Église latine, ce temps est réparti sur 8 dimanches, qui nous font avancer vers Noël en crescendo : Rénovation et Sanctification de l’Eglise, l’Annonce à Zacharie, l’Annonciation, la Visitation, Naissance de Jean-Baptiste, la Révélation à Joseph, la Généalogie et enfin la Nativité.

Dans ce crescendo, les coeurs se préparent pour la grande fête, et pas seulement, même la nature y trouve aussi son rythme : le froid s’installe, la neige couvre déjà les sommets. La neige peut aussi couvrir Beyrouth de quelques centimètres et cela coïncide avec la petite couche de neige
sur Bethléem. Faut-t-il rappeler que le mot : « LIBAN » veut dire en araméen « Mont blanc » par rapport à la neige éternelle qui couvrait (et un peu moins aujourd’hui sur toute l’année)
les cimes du Mont-Liban et du Mont Hermon qui culmine à 2800 mètres. La dernière ligne droite, c’est la neuvaine de Noël : on allait tous les soirs à l’église pour prier et chanter la neuvaine et particulièrement le chant traditionnel : « Dieu a envoyé son Fils unique, Lumière pour les Nations… » Et, bien sûr, le Salut du Saint Sacrement.

La Nuit de Noël, la messe est à minuit. Tout le monde converge vers l’église dans le froid et dans un calme absolu. Mon père me tient par la main, car j’ai du mal à avancer, nos jambes s’enfoncent dans la neige. Il y en a parfois plus d’un mètre. Avec la lumière des réverbères et les illuminations de Noël, on a l’impression que le ciel s’est rapproché de la terre et les étoiles
sont à portée de main, ce sont les petites lampes de toutes les couleurs disposées en zigzag au-dessus de la rue principale. La messe est un enchantement, à l’extérieur, il neige encore…
A 1h30 du matin, les coeurs remplis d’allégresse, on rentre à la maison en fredonnant : « Dieu a envoyé son Fils unique, Lumière pour les Nations… »

Père Slaïby Stephan