EDITO : Par le père François d’Antin,, curé de la paroisse de Chaillot

« Qui vous accueille, m’accueille »

La famille,
un sujet toujours actuel

Passant une soirée dans une famille amie, je fus amené à lire une histoire aux enfants avant qu’ils aillent se coucher. On me mit dans les mains l’histoire du Petit Poucet, dans sa version intégrale… Il est parfois utile de réviser ses classiques. On redécouvre
ce que l’on croyait connaître. Quelle ne fut pas ma surprise dans cette plongée dans la misère la plus noire où se côtoient le meurtre, le vol et l’indifférence la plus inhumaine.
Quelle leçon les enfants tirent-ils de cette histoire atroce ? Ils l’écoutaient sagement pourtant, avec gravité. Que l’ogre égorge ses propres filles ne semblait même pas les étonner. Je crois me souvenir qu’enfant, je retenais la leçon de l’intelligence du Petit Poucet, de sa prévoyance, de sa ruse. Mais aujourd’hui, j’y vois une leçon sur le rôle irremplaçable de la famille.
Tout au long de l’histoire, avec un acharnement méthodique, le Petit Poucet fera tout pour sauver sa famille qui ne le mérite pas, qui le méprise, qui ne lui vaut aucune reconnaissance. Même quand à la cour, possédant les bottes de sept lieues, il sert de coursier aux amours infidèles, ce n’est que pour mieux sortir sa famille de la misère. Le Petit Poucet n’est pas le défenseur de la famille en général, mais celui de la famille réelle, la sienne, viscéralement.
De nos jours, le couple de bûcherons aurait éclaté. Après leur récidive dans l’abandon de leurs enfants, les parents du Petit Poucet auraient été déchus de leur parentalité. Le Petit Poucet placé dans une famille d’accueil, s’efforcerait de renaître à ce qu’il lui arrive. Mais aurait-il la même rage à se battre ? Aurait-il encore quelqu’un pour qui tout risquer, tout inventer, tout oser ? La justesse de l’intuition de Charles Perrault tient à ce qu’elle met en scène le rôle structurant de la famille, à son insu. Ce n’est pas que les parents y soient pour quelque chose : ils sont indignes. Les frères : ils sont évanescents. Le Petit Poucet luimême, lui seul, est l’auteur de l’énergie vitale qui le pousse à faire quelque chose de sa vie, à le faire pour les autres. Il rebondit aux effroyables difficultés qui s’acharnent contre lui du seul fait qu’il a une famille.
Évidemment, la famille au XVIIIe siècle n’est pas ce qu’elle est aujourd’hui. Mais où les enfants d’aujourd’hui iront-ils puiser leur énergie vitale ?.