Le billet spi du Père Lacoste :

Lire et / pour prier

Rien de plus simple que de mal lire la Bible. C’est un document historique de première importance, nous pouvons la lire comme telle. C’est un recueil qui contient de superbes pages poétiques, nous pouvons la lire comme telle. Il y a un hic. Ne lire la Bible que comme une collection de textes historiques, ne la lire que comme un abri de très beaux textes, est-ce lire l’« Ecriture Sainte » ? Que non. L’historien du Moyen-Orient et l’amateur de littérature ont leurs droits, qu’on ne contestera pas. Le texte qu’ils lisent est-il « saint » ? Il ne l’est pas. L’historien et l’ami des beaux textes nous apprendrons beaucoup de choses sur la Bible. Il faut savoir que la Bible nous raconte ce qui a eu lieu (« histoire », en grec, signifie « enquête sur ce qui a eu lieu ») pour nous pénétrer de son importance. Il faut, aussi, apprendre à lire un psaume ou une hymne de Paul comme ils méritent d’être lus, comme de superbes poésies, et l’amateur de poésie nous apprendra peut-être à lire mieux et bien.
Il y a un mais. Mais, donc, la Bible n’est pour nous Ecriture « sainte » que si nous la mettons jalousement à part, à titre de texte par lequel Dieu parle. Celui qui a lu admirativement les odes de Pindare ne parlera pas de « Parole de Pindare ». Il possèdera peut-être une belle édition de Pindare, mais il ne l’encensera pas après l’avoir utilisée. L’Ecriture Sainte s’encense. L’encens, dans la liturgie, monte d’abord vers Dieu. Et lorsque le diacre encense l’évangéliaire, il nous manifeste en toute clarté qu’il traite un livre, un texte, comme nous traitons toute présence divine. La constitution sur la liturgie de Vatican II nous parle des présences du Christ, au pluriel — présence dans ses sacrements, présence dans sa Parole. Si parole il y a, il faut évidemment la comprendre : grâce à Dieu (!), la plupart d’entre nous lisent la Bible dans leur langue maternelle. La parole en tout cas n’est pas prononcée dans le vide. Elle est parole pour nous. Accueillir l’Ecriture Sainte comme parole-pour-nous, c’est donc vivre spirituellement. Bref, prier. 