Question de jeune:

Dis pourquoi…

Quentin, 16 ans

« Souvent je m’ennuie, j’ai envie de rien faire. Est-ce normal ? »

Ce questionnement de Quentin sur sa « normalité » est à entendre comme un appel à l’aide à peine déguisé d’un adolescent à une période de la vie où « l’ennui » et « l’envie
de rien faire » n’ont rien d’anormal : ces sentiments apparaissent en général paradoxalement avec l’éclosion de l’autonomie et de la séparation psychique d’avec les parents et autres relations de l’enfance, souvent accompagnés d’ailleurs d’un sentiment de solitude. Confronté avec des besoins instinctuels et des élans pulsionnels dont il se défend en réprimant « l’envie de faire », l’adolescent éprouve néanmoins aussi la conscience d’un temps qui ne passe pas et le poids d’un sentiment de finitude. Il se sait en vie mais sans se sentir vivre vraiment, face à ses propres ressources mais sans savoir ou oser les exploiter. Cette « suspension » de l’initiative n’est pas forcément dépressive mais le plus souvent de la « morosité ». Ce que Quentin en exprime est plutôt que de la culpabilité ou une incapacité, un manque d’envie à investir une tâche, un jeu, des loisirs, de nouveaux liens qui se sont imposés à ses nouveaux horizons.

Cette absence de projet immédiat signifie le plus souvent une absence de direction - interne - mais n’appelle pas forcément une directive - externe - car le désir est tout près et on sera bien avisé, après l’avoir rassuré sur ses éprouvés, d’amener Quentin - bonheur de la maïeutique socratique - à exprimer d’abord verbalement ses « envies » potentielles d’élargissement de son espace d’investissement et de ressaisie conquête des temps et mouvements de sa vie. Il n’est pas non plus interdit, dans certains cas, de suggérer ou de proposer, quitte à lui permettre, par une réfutation, d’oser avancer, même si c’est en contrepied.

René Bérouti, pédopsychiatre et psychanalyste