Le billet spi du Père Lacoste :

Le servir et servir à…
A quoi bon les prêtres ?

Un peu de modestie, à défaut d’humilité, pour avouer que nous ne servons pas à grand-chose. Parler de « nous », déjà, est bien embarrassant. Si le prêtre doit faire quelque chose, ce n’est pas parler de lui, mais parler de Dieu. Et aussitôt que nous parlons de nous, il faut soupçonner que nous dévions. Nous essayons de justifier notre existence. Nous démontrons (ce qui bien sûr est vrai) que Jésus a voulu passer par des intermédiaires pour que sa parole aille au bout du monde, pour que son corps et son sang soient perpétuellement donnés à tous etc. Mais ce disant, que faisons-nous, sinon nous désintéresser de nousmêmes
pour intéresser à notre Seigneur ?

Nous servons peut-être à quelque « chose » (insupportable « chose » !) dans la mesure où nous le servons lui. Mais le servir, parler de lui, attirer l’attention sur lui, cela ne peut se faire qu’en détournant l’attention de nous, en désintéressant de nous, et en nous désintéressant de nous. Le prêtre — le « presbytre », « l’ancien
», en grec — est condamné au désintéressement (ce qui vaut bien sûr du diacre et de l’évêque…). Il n’est certes pas voué à l’inexistence. Il a sa fonction, autrement dit son ministère. Il a « l’ordre » de faire ceci ou cela. Mais ayant reçu cet ordre et pour s’acquitter de sa fonction, il ne peut que s’effacer. La Bonne Nouvelle qu’il annonce n’est évidemment pas celle de son sacerdoce et de sa mission.

Il y a sans doute des circonstances où parler de soi. Peut-on toutefois le faire autrement que du bout des lèvres ? Il y a des circonstances, surtout, où le prêtre agit en représentant solennel du Christ, lorsqu’il pardonne les péchés ou consacre le pain et le vin. Le représentant, toutefois, n’est qu’un représentant. Lorsque le prêtre préside l’eucharistie, il prononce des mots. Mais que « fait »-il ? Encore une fois, il n’est que celui par lequel le Christ passe. Le prêtre réussi doit être un prêtre transparent.