1 + 1 = 1 : un même amour
Nous pensons bien souvent en termes de
concurrence. Aimer Dieu « de tout notre
coeur » nous priverait du temps nécessaire à
l’amour de notre prochain. Aimer notre prochain
volerait Dieu de notre attention. Comme
toutes les grands sottises, celle-ci conduit à
une leçon de grande envergure. Puis-je aimer
Dieu sans ipso facto aimer mon prochain ?
Plus encore, le Seigneur que j’aime et qui
m’aime ne me donne-t-il pas perpétuellement,
en mon prochain, un frère à aimer sans réserve
?
Les spirituels ne s’y sont jamais trompés. Jan
van Ruusbroec (1293-1381) le dit quelque part :
« si tu fais oraison et te trouves ravi au septième
ciel, et que ton frère a besoin d’un bol
de bouillon, cesse ton oraison pour lui porter
son bouillon ». Amour de Dieu, amour du frère,
les deux ne font qu’un. L’amour de Dieu pour
l’homme, ou plutôt pour les hommes, est créateur
d’une communauté de frères telle que le
service du frère est « oeuvre de Dieu », opus
Dei, liturgie si l’on veut. Pas de concurrence,
donc, mais un rythme fondamental dans lequel
Dieu m’envoie à mes frères en m’attirant
à lui, et m’attire peut-être d’autant plus à lui
qu’il m’envoie à mes frères. L’expérience
chrétienne ne vit pas le drame d’une concurrence
dans laquelle ce qui serait donné à Dieu
serait retiré au frère, et réciproquement. L’expérience
chrétienne, au contraire, est aussi
simple qu’elle est heureuse Le prochain et
Dieu sont aimés d’un même amour. Celui qui
apporte son potage au malade accomplit un
acte unifié d’amour : de Dieu et du frère, ensemble,
et sans qu’il soit possible de séparer.
Nous avons beaucoup à faire : travail, famille,
apostolat, etc. Et nous ne pouvons le faire
bien si nous ne le faisons au nom du Christ.
Nous sommes à son image. Et nul ne niera
que son amour pour le Père ne fait pas concurrence
à l’amour qu’il nous porte… En nous
voulant pour lui, Dieu nous veut pour tous.