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Charles Hargrove
Un gentleman anglo-européen

Les paroissiens connaissent sa silhouette très droite, au panache blanc, toujours au premier rang à droite à la messe de 11h. Ils se souviennent aussi de ses apparitions à la télévision pour commenter l’actualité de la couronne britannique. En réalité, Charles Hargrove, journaliste au Times de Londres, a été l’un des grands observateurs de la scène internationale pendant la deuxième partie du siècle dernier.

Britannique ayant épousé une Française comme son père, journaliste également comme son père, mais catholique par sa Mère, Charles Hargrove fait ses études à Paris, à Sainte-Croix de Neuilly et à l’Ecole américaine. Il entend l’Appel du 18 juin sur un cargo hollandais qui le mène vers l’Angleterre où il poursuit ses études au collège de Peter House à Cambridge. Le 6 juin 1944, il fait partie des troupes d’assaut britanniques qui effectuent le Débarquement, « au volant d’une Jeep que j’avais appris à conduire 15 jours avant, et sans me mouiller les pieds ! » note-t-il avec humour. «J’avais envie d’embrasser le sol français, ma seconde patrie, mais je ne l’ai pas fait depeur d’être ridicule vis-à-vis de mes camarades britanniques. » Il termine la guerre à Berlin comme Secrétaire de la Commission Quadripartite des Transports.

Journaliste au Times Il aurait voulu entrer au Foreign Office. Mieux, il sera journaliste au Times. Le Times à l’époque c’est une institution, l’un des piliers de l’Angleterre. Charles couvrira l’actualité internationale dans divers postes à Paris, Berlin, Tokyo et Bonn. Il sera témoin de grands événements historiques : 1953, la conférence de Berlin sur le sort de l’Allemagne ; 1954, le début du miracle japonais avec la première chaîne de montage chez Toyota ; 1963, le voyage de Kennedy à Berlin : « Ich bin ein Berliner ! » ; le voyage triomphal de De Gaulle en Allemagne : « Das ist ein Fürher ! » reconnaissent les Allemands admiratifs. Et puis, des rencontres avec de grands personnages : Adenauer, le « vieux Chinois », comme l’appelait familièrement son peuple, un Européen raisonné, pas romantique pour deux sous, qui lui confie : « Si les Alliés en 1918 avaient traité l’Allemagne comme ils l’ont fait en 1945, il n’y aurait pas eu Hitler ». Le général De Gaulle qui, lors de ses célèbres conférences de presse, demande à la salle : « Qu’en pense monsieur Hargrove ? » avant de répondre sur le sujet épineux de l’entrée de la Grande Bretagne dans le Marché Commun. Le président Pompidou avec qui Charles entretient des rapports personnels ou encore Valéry Giscard d’Estaing auquel il consacre un livre : « Il déroutait les Anglais qui ne comprenaient pas qu’un homme de droite applique une politique de gauche » note-t-il. Mitterand l’intéressait car il était parent de la couronne britannique par une aïeule née mademoiselle de Barbezière.

Propos recueillis par D. de Causans