Dossier :


Visages de prêtres d’Ile-de-Franceaux
Invalides lors de la venue du pape Benoît XVI à Paris en septembre 2008

Dans le cadre de l’année du prêtre à Paris en 2009 et de « l’année sacerdotale » dans le monde en 2010, qui ouvre le 19 juin pour marquer le 150e anniversaire de la mort du Curé d’Ars, notre dossier tente d’apporter une contribution sur le rôle et la mission du prêtre dans la société contemporaine.

Qu’est-ce qu’un prêtre aujourd’hui ?
C’est la question centrale traitée par Jean Paul II dans son livre Ma vocation dont nous reproduisons des extraits. Mais c’est aussi à travers des témoignages que nous allons vous faire vivre la réalité du prêtre aujourd’hui : celui du Père Christophe Alizard, ordonné il y a un an, qui a prêché le 3 mai dernier à Chaillot, dans le cadre de la journée des vocations et celui de Pierre, séminariste, actuellement à la Maison Saint-Louis.


Un homme passionné, appelé, et donné

Aujourd’hui encore, des hommes s’engagent à la suite du Christ en devenant prêtre. C’est un engagement merveilleux, un don de soi, par amour de Dieu et des hommes. On perçoit le prêtre comme un célibataire, un homme très occupé, etc. Mais au fond, qu’est-ce qu’un prêtre ?

Eclairages par Jean Paul II.

Pourquoi, depuis 2000 ans des hommes quittent tout pour suivre Jésus dans cette belle vocation ?
Aujourd’hui plus que jamais, les hommes ont soif de connaître le Christ et d’être aimé par lui. C’est la mission du prêtre : un homme passionné, appelé, et donné.

Double appel
Le prêtre est un homme appelé : c’est-à-dire choisi par le Christ lui-même pour le service de l’Eglise. Cet appel (ou vocation) est double. D’une part, cet appel est une aspiration personnelle à servir le Christ et les hommes, qui grandit et s’affermit par la prière, lieu privilégié du dialogue avec Dieu. D’autre part, cet appel est celui de l’Eglise qui, par la voix d’un ami, parent, prêtre et ultimement par l’évêque, authentifie l’aspiration intérieure. On est définitivement sûr d’avoir la vocation par l’ordination sacerdotale. En fait, le prêtre reçoit sa vocation et il choisit simplement d’y répondre.Saint Paul compare le ministre (serviteur) de l’Eglise à un intendant : « Qu’on nous regarde donc comme des serviteurs du Christ et des intendants des mystères de Dieu. Or, ce qu’en fin de compte on demande à des intendants, c’est que chacun soit trouvé fidèle » (1 Co 4, 1-2) L’intendant est chargé de gérer les biens d’une autre personne, sans en être propriétaire. « C’est ainsi que le prêtre reçoit du Christ les biens du salut, pour les distribuer comme il convient aux personnes à qui il est envoyé. Il s’agit des biens de la foi. Le prêtre est donc l’homme du “mystère de la foi”. [...] Personne ne peut se considérer comme le “propriétaire” de ces biens. Nous en sommes tous les bénéficiaires. Donc, en vertu de ce que le Christ a institué, le prêtre a le devoir d’en être l’intendant » (Jean Paul II, Ma vocation, don et mystère, chap. 8, Ed. Téqui, 1996).

Triple passion

Etre passionné des hommes, cela signifie vouloir leur bonheur, leur paix, leur joie, sur cette terre, et pour la vie éternelle

Le prêtre est avant tout un passionné de Dieu et des hommes. Passionné de Dieu, car il a fait l’expérience personnelle de l’amour du Christ pour lui et souhaite la partager aux hommes. Il a découvert que Jésus est bel et bien vivant dans sa vie, aujourd’hui. Il est le Fils de Dieu fait homme, venu sur nos chemins, pour dire l’amour de son Père pour le monde. Aujourd’hui, l’homme appelé par Dieu à prendre part au sacerdoce du Christ, n’est pas meilleur que les autres. Il a toute sa vie pour approfondir le mystère de sa vocation. Bref, le prêtre soutenu par ses frères et ses soeurs dans la foi, se met en route chaque jour à la suite de Jésus Christ, qui a donné sa vie pour que nous ayons la
vie éternelle.
Passionné de Dieu, le prêtre est passionné des hommes.Comme prêtre, il continue d’appartenir à un peuple, une culture, une histoire. Le prêtre comprend et rejoint les hommes de son temps. « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi [ceux] des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur coeur » (Concile Vatican II, Constitution sur l’Eglise dans le monde de ce temps, n°1). Le prêtre vit au coeur du monde sans vivre comme le monde, car il appartient à Dieu pour continuer la mission du Christ sauveur et miséricordieux pour les pécheurs. Etre passionné des hommes, cela signifie vouloir leur bonheur, leur paix, leur joie, non seulement pour la vie sur cette terre, mais pour la vie éternelle donnée par le Christ. Cette mission fait de lui un pasteur, à l’image du Christ, qui mène les brebis qui lui sont confiées, vers le Ciel, la maison du Père. Il connaît ses brebis, les conduit, prend soin d’elles, les nourrit... Il va chercher la brebis perdue et il est prêt à donner sa vie pour elle.
Enfin, le prêtre est passionné de l’Eglise. Le Christ est l’époux de l’Eglise, il l’a aimée et s’est livré pour elle. Dans son sacerdoce, le prêtre se livre tout entier aussi, jusque dans le célibat, qui signifie le don radical de soi-même, jusque dans son corps à Dieu et aux hommes.

Donné aux autres et à Dieu
Le prêtre est un homme donné par amour et pour le service. Il ressemble au Christ, tête du corps qu’est son Eglise, c’est-à-dire qu’il est ordonné pour le service de l’Eglise. Son autorité dans la hiérarchie de l’Eglise est celle du serviteur : une autorité d’amour et de service : « Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous » (Marc 9, 35), nous dit Jésus. Au cours de son dernier repas avec ses disciples, le Christ nous donne aussi l’exemple du lavement des pieds. Le Christ est le premier à se donner pour nous entraîner à sa suite. A la suite du Christ serviteur, le prêtre est le premier à se donner pour que tous puissent se donner avec lui, à Dieu. En ce sens, le prêtre est un homme donné aux autres et à Dieu.
Donné, c’est-à-dire appartenant au Christ, il peut à son tour donner ce dernier au monde. Comment ? Il donne Jésus au travers des sacrements, où il agit au nom du Christ, en la personne du Christ. Il donne Jésus quand il annonce sa Parole, quand il rend visite aux personnes souffrantes, aux plus pauvres. Mais on ne peut donner que ce qu’on a reçu. Le prêtre vit de cette intimité avec Jésus, dans une relation de coeur à coeur, qu’il trouve dans la prière, dans la célébration de l’eucharistie, et aussi dans la confession, dans laquelle il se reconnaît pécheur, limité, et où il accueille pour lui la miséricorde du Seigneur.
Enfin, dans le prêtre ordonné par l’Eglise pour les hommes, c’est Jésus qui se donne et qui donne en lui. Le prêtre n’imite pas le Christ, mais par grâce, il devient un autre Christ. Dans tout ce qu’il est et dans tout ce qu’il fait, le Christ est présent. Il est « avec lui, par lui et en lui », pour
répandre l’amour de Dieu qui sauve le monde (Jean Paul II, Ma vocation, don et mystère, chap. 8, Ed. Téqui, 1996).

Pierre, séminariste à Paris

Naissance
d’une vocation

Certaines phrases ne peuvent être prononcées qu’après un long travail sur soi. Pour beaucoup c’est : « Je t’aime » ; pour moi, ce fut : « Je veux devenir prêtre. » Avant de pouvoir dire ces mots, je dus suivre un long chemin, parfois en zigzag et souvent en dent de scie. Le jour où j’en fus capable, je mis un terme à plusieurs années de tâtonnements professionnels ; je renversai aussi, définitivement, mes préjugés sur le prêtre et ce que je pensais être et appelé à devenir ; plus encore, je donnai concrètement à ma vie la fin et l’élan que secrètement je cherchais. Mais ces effets ne me furent que progressivement révélés ; avant tout, je percevais durant mes ultimes étapes de discernement, une profonde paix qui m’incitait à faire ces pas déraisonnables dans la confiance. Alors quel fut le chemin qui me conduisit à franchir ce col élevé comme si je me rendais dans un lieu familier ?

« Je fis l’expérience de la vraie joie »
Comme bon nombre d’étudiants en école d’ingénieur, je me destinais aux métiers de la finance et du conseil. Mais entre temps, j’eus la chance, à l’occasion d’un stage, de partir vivre une année entière en Afrique subsaharienne. Au cours de cette année passée au loin, je fis l’expérience de la vraie joie, celle qui est suscitée par cet accord profond entre soi et la vie que l’on mène. Je nageais dans l’humanité, sa violence et sa beauté et en même temps j’étais conquis par un mode de vie simple, gouverné par les relations humaines et l’hospitalité.

La force des témoignages
Cette inflexion de mon parcours ne rend que partiellement compte de la conversion que je vivais intérieurement. Les non croyants ne sont pas les seuls à pouvoir se convertir. J’étais, en effet, catholique pratiquant, fidèle à l’eucharistie dominicale, scout depuis de longues années et pourtant avais-je encore la foi ? A force d’écarter de moi toute question sur la foi, craignant de douter, et à force de rester près du seuil de l’Eglise, refusant de me couper du monde, j’étais devenu dangereusement tiède. Je n’étais plus lié à Dieu que par l’eucharistie que je continuais à recevoir par une mystérieuse fidélité.
Qu’est ce qui est alors venu réveiller ma foi vacillante ? Essentiellement des témoignages : témoignages de piété et de sagesse dans mes rencontres en Afrique, témoignages de sainteté dans mes lectures et témoignages de foi dans ma famille. Pour ne citer qu’un seul témoin, je retiendrai le bienheureux Charles de Foucauld dont le parcours tortueux et la soif d’absolu me rejoignaient particulièrement. C’est ainsi que l’appel du Seigneur a commencé à tarauder mon coeur. Mais comment pouvais-je rapprocher les bouillonnements en moi, éveillés par ces témoignages, d’un appel au sacerdoce ? J’étais trop orgueilleux pour voir que je n’avais pour guide que mon ambition ; à ma décharge, celle-ci s’était délicatement revêtue de motivations altruistes.

« Les non croyants ne sont pas les seuls à pouvoir se convertir »

De l’insatisfaction à la paix de l’abandon
Durant ces années de mûrissement, j’étais insatisfait dans tout ce que j’entreprenais. Je priais pourtant et demandais régulièrement d’être éclairé sur mon chemin. J’espérais trouver mais je ne voyais pas que j’avais besoin d’aide. En cette période, je lus pour la première fois les Evangiles. Un soir de douloureux questionnements, je fus personnellement interpellé par la parabole du jeune homme riche (Mt 19). Je refusais de m’en aller tout triste.
Las de mes piétinements et écrasé par l’obscurité persistante de mon existence, je décidai de rencontrer un prêtre pour demander secours. Je n’en connaissais aucun, je m’ouvris donc au premier qui daigna m’écouter. Malgré mes propos confus, il accepta de me revoir. Découvrant avec moi que le Seigneur travaillait dans mon coeur, il devint mon premier père spirituel ; il m’aida à relire toute ma vie et je pus découvrir comment Dieu, avec une infinie douceur, m’avait conduit jusqu’ici. Je réalisais avec une immense joie à quel point j’étais aimé de Dieu ; une paix profonde me gagnait aussi à mesure que ma vie se mettait en ordre. J’étais prêt à m’abandonner à lui. Puis progressivement, le besoin de répondre à cet amour s’est imposé à moi. Alors, me libérant de ces images fausses que je m’étais prêtées comme on se libère de vêtements trop étroits, la vocation sacerdotale s’imposa à moi comme une évidence ; jusque-là pourtant je l’avais écartée sans le moindre doute.

Pierre séminariste à Paris


Père Christophe Alizard

« Je n’ai que Jésus à donner,
c’est là le seul trésor »

Le Père Christophe Alizard a été ordonné prêtre il y a un an. C'est lui qui a prêché le 3 mai dernier à Saint Pierre de Chaillot dans le cadre de la journée des vocations.

Un aveu… Au moment d’écrire cet article, un doute m’a saisi. Parmi les différents aspects de la vie du prêtre, dans laquelle je suis entrée en juin dernier, lesquels choisir, lesquels mettre en exergue pour signifier au mieux sa présence dans le monde ? Convenait-il de parler du catéchisme, de la joie reçue dans l’accompagnement d’une communauté Foi et Lumière ? Fallait-il évoquer la célébration des sacrements, la beauté de l’eucharistie, la naissance baptismale ou la miséricorde infinie du Père dans le sacrement du pardon ? Plus simplement, était-il opportun de faire état des multiples rencontres paroissiales qui émaillent une journée et dans lesquelles se transmet la douceur du Seigneur dans les difficultés de chacun ? Etait-il juste de témoigner d’une présence discrète mais visible au milieu du monde, avec des questions fréquentes et bienveillantes, au hasard des voisins rencontrés dans le train ou le métro ou plus directement dans la rue ? De façon plus intime, comment ne pas être tenté de faire état de la joie du prêtre, qui donne l’amour et l’espérance du Christ aux hommes ?

L’urgence de l’amour
Puis, crac, dring-dring, le téléphone sonne : « Mon Père, l’hôpital vient d’appeler, une vieille dame est sur le point de mourir, ses enfants désirent que vous passiez la voir. » Fin des interrogations, adieu article et ordinateur… Vite, ma veste… Ne pas partir sans les huiles pour le sacrement des malades, s’arrêter à la chapelle pour quelques secondes de recueillement, pour y prendre avec soi Jésus dans l’eucharistie et pouvoir donner le viatique… A l’accueil de l’hôpital, un nom et un numéro de chambre, un escalier à monter. Et puis, l’arrêt traditionnel au bureau des infirmières qui m’ont appelé à la demande de la famille de la personne, proche de la mort. Oui, elle est seule. Non, elle n’est pas consciente et ses enfants arriveront dès que possible. Et puis, la porte de la chambre. J’ai visité de nombreux malades au séminaire et je sais que c’est le moment le plus important. Entrer en prenant conscience de la pauvreté de nos personnes, en sachant que, avec ma pauvreté, je n’ai que Jésus à donner et que c’est là le seul trésor, la seule unique et vraie richesse, la grande douceur et le merveilleux réconfort pour celui qui est dans l’épreuve… Une demi-heure en silence, à tenir la main de celle qui s’en va vers le Père, à prier pour elle, avec elle qui reprend peu à peu conscience en entendant égrener doucement des prières familières… Lorsque les enfants arrivent, essayer de les réconforter, de les aider à vivre ce moment si intense et si unique où ils sont appelés à donner le plus grand amour à leur mère… Et puis les laisser l’accompagner jusqu’au bout alors que l’heure de la messe à la paroisse se fait pressante. Je leur promets d’y prier pour eux, j’aurai cette intention dans mon coeur en célébrant l’eucharistie, ce soir. Oui, Jésus dira pour cette dame, si rapidement aperçue et avec qui j’ai passé ce moment si décisif de son existence : « Ceci est mon corps livré pour toi, ceci est mon sang versé pour toi. »

« Je vous donnerai des prêtres selon mon coeur » (Jr 3,15)

Signe
Retour dans mon bureau, je n’avais pas éteint l’ordinateur… La question remonte à la mémoire :
« Seigneur, que veux-tu que je leur raconte pour leur dire la vérité de la vie sacerdotale ? »
« Ce que tu viens de faire car tu as été ordonné pour cela. Toi qui es le plus petit, si pauvre et si maladroit, je t’ai donné mon pardon et ma miséricorde en abondance, pour que tu puisses aimer de mon amour, pardonner de mon propre pardon et témoigner dans ta faiblesse, pour tous les hommes, de mon amour vainqueur. Je t’établis comme signe visible et efficace de ma présence pour l’Eglise et pour le monde. Je fais de toi une lumière et une citadelle pour que tous les hommes puissent reconnaître aujourd’hui, au coeur de leur existence et de leurs souffrances, mon amour fidèle et miséricordieux. »

Père Christophe Alizard

Joyeux anniversaires !

Alors que nous entrons dans une « année
sacerdotale » voulue par Benoît XVI, plusieurs ministres ordonnés de notre paroisse fêtent cette année l’anniversaire de leur ordination :
60 ans pour le Père Froideval,
50 ans pour le Père Benoit,
20 ans pour le Père Esposito,
20 ans pour Jacques de Clebsattel, diacre permanent.

C’est l’occasion pour nous, paroissiens,
de leur témoigner notre reconnaissance et notre union de prière.