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Plaidoyer pour saint Paul

A l’occasion de l’année Saint-Paul, qui sera le thème du pèlerinage paroissial en avril 2009 en Grèce, le Père Etienne Ostier présente un “plaidoyer” pour nous faire découvrir et aimer davantage cet apôtre qui occupe une place si importante dans les premiers temps de la chrétienté.

Saint Paul divise les esprits même dans l’Église. Certains l’aiment beaucoup, d’autres ont des réticences à son égard. Ce n’est pas nouveau. Je voudrai, à partir de ma propre expérience, donner des raisons d’aimer Saint Paul et de s’intéresser à ses lettres. J’en soulignerai cinq.

1Une première raison d’aimer saint Paul ou, du moins, de lui attacher beaucoup d’importance est dans l’ordre des assises intellectuelles de la foi chrétienne, des raisons de croire en Jésus Christ.
Depuis Descartes tout ce que l’on ne peut pas prouver être “historique” est rapidement considéré comme légende, comme construction légendaire… Or, les lettres de Paul sont un roc qui a bien résisté à l’assaut des historiens et de leurs mises en question… Aucun historien sérieux ne lui refuse la paternité directe d’au moins sept lettres. C’est dire qu’avec les lettres de Paul le “christianisme” des années 40-60, est un fait historique irrécusable, aussi irrécusable par exemple que la prise de Jérusalem par Titus en 70 après Jésus-Christ. Cela ne prouve pas bien entendu qu’un certain Jésus de Nazareth,
crucifié à Jérusalem vers l’année 30, soit ressuscité d’entre les morts. Mais cela donne du poids aux témoignages directs et multiples qui ont été rendus à la Résurrection de Jésus car ces témoignages sont indiscutablement à la base des communautés “chrétiennes” des années 30-60.

2 Une deuxième raison d’aimer Paul est dans l’origine de la foi chrétienne de Paul. Certes, c’est le Christ ressuscité qui s’est manifesté à Paul à proximité de Damas mais c’est le Christ de la Passion
et de la Croix qui l’a bouleversé. Avec Paul on est immédiatement confronté au “noyau dur” du Christianisme qui est aussi son noyau lumineux. La Croix est une malédiction mais aussi le contraire
d’une malédiction… Elle est la preuve définitive, la preuve indestructible que Dieu nous aime avant que nous soyons dignes d’être aimés et qu’il nous aime pour que nous devenions capables de
répondre à son amour.


3Une troisième raison d’aimer Paul : son amour pour le Christ crucifié à Jérusalem ne l’a rendu ni hostile ni injuste vis-à-vis des Juifs qui ne reconnaissaient pas en Jésus le don suprême de Dieu. En cela il diffère du rédacteur final de l’Évangile de Jean. Certes, il y a des accents d’hostilités dans la première lettre de Paul, celle aux Thessaloniciens. Mais ces accents d’hostilités disparaissent dans le passage le plus long que Paul a consacré au refus d’Israël. On y sent une blessure profonde mais
cette blessure vient redoubler d’une certaine manière l’attachement pour les frères selon la chair.

4 Une quatrième raison d’aimer Paul c’est l’élargissement prodigieux de son intelligence et de son coeur au contact du Christ… Paul n’était pas un homme médiocre au temps où il persécutait les chrétiens. Il vivait avec le souci passionné de la fidélité à Dieu et sur le plan personnel et sur le plan communautaire. Mais le chemin de Damas a été le chemin d’un plus grand amour. Songez au nombre inouï de gens avec qui Paul a noué des relations à la fois paternelles et fraternelles dans les années 40-60… Des gens de toute origine, de tout âge, de toute conditions sociale mais particulièrement des gens éloignés de lui au départ par la nation, la culture, la religion et la condition sociale. Paul a aimé
sans mettre de frontières à son amour.

5 J’avancerai enfin une cinquième raison d’aimer Paul. Paul a découvert dans la lumière du chemin de Damas que l’homme ne peut monter vers Dieu que si Dieu commence par descendre vers lui. Descendre vers lui non seulement par la révélation de ses préceptes mais par une Présence libératrice et transformante. Seul l’amour dont Dieu aime a le pouvoir de toucher le fond du coeur de l’homme et de le changer dans le sens de la bonté sans limites. L’homme ne peut pas, par ses propres forces, libérer son coeur d’une pesanteur qui le fait tomber tantôt dans la méfiance et l’opposition à l’égard du
précepte tantôt dans la contradiction entre les intentions et les actes. Paul nous exhorte donc à mettre au centre de notre espérance l’initiative aimante, gratuite et transformante de Dieu, ce qu’il nomme sa justice.


Saint Augustin, qui avait beaucoup médité les lettres de saint Paul, a su transposer cette vision de la Loi et de la Grâce dans une prière admirable de justesse et de concision : « Domine, da quod jubes et jube quod vis » (Seigneur, donne-nous ce que tu commandes et commande-nous ce que tu veux !)
Oui, Seigneur, donne-nous le désir, le goût, la force, le courage de faire de tout notre coeur ce que tu commandes et commande ce que tu veux ! Faisons nôtre cette prière. Elle nous aidera à vivre « sous la grâce » comme saint Paul nous le recommande avec tant d’insistance.

Étienne Ostier, prêtre, ancien professeur
d’Ecriture sainte au Séminaire d’Issy-les-Moulineaux