Dossier :

Le Collège des Bernardins, un chef-d’oeuvre de l’architecture cistercienne du XIIIe siècle, magnifiquement restauré, sera inauguré en septembre prochain. Mrg Beau, évêque auxiliaire de Paris, en explique l’enjeu spirituel dans notre société et Bertrand de Feydeau nous en présente l’historique et, enfin, nous détaillons les trois grandes missions des Bernardins : l’art, les rencontres et la formation.

Dossier réalisé par Odile Douroux

Répondre aux questions de l’homme d’aujourd’hui

Mgr Jérôme Beau, évêque auxiliaire de Paris, responsable du Collège des Bernardins, explique pour quelles raisons le Collège des Bernardins a été restauré, et le rôle spirituel qu’il jouera, en plein coeur de Paris.

Le Collège des Bernardins a été restauré pour trois raisons essentielles. Tout d’abord, parce que Dieu s’est fait homme en Jésus Christ, l’Eglise a toujours porté en elle la question de l’avenir de l’homme. Ainsi, devant les questions cruciales qui se posent aujourd’hui au monde contemporain, il est important d’ouvrir un lieu de réflexion et de dialogue qui permette une réflexion sur l’ensemble des questions auxquelles nous sommes confrontés pour notre avenir. De plus, le Collège des Bernardins, lorsqu’il a été ouvert au XIIIe siècle, était destiné à la formation des moines cisterciens à l’Université de Paris. Le projet des Bernardins reprend, quelques siècles plus tard, cette même intuition de la formation et de la réflexion sur l’avenir de l’homme. Enfin, depuis 25 ans, le cardinal Jean-Marie Lustiger, puis le cardinal André Vingt-Trois, ont fait le choix d’un véritable investissement dans la formation de docteurs en théologie exerçant au sein de la Faculté Notre- Dame et de l’Ecole Cathédrale. Ce lieu de formation théologique rassemble plus de 3 000 étudiants. Ceux-ci, engagés dans le dialogue entre la Foi et la raison, travaillent à partir de la Parole de Dieu, découvrant, peu à peu, le sens de la Révélation chrétienne et le sens de la vie de l’homme en Dieu.
Le Collège des Bernardins aura pour vocation de tenter de répondre aux questions
essentielles qui se posent à l’homme d’aujourd’hui. Il sera doté de cinq départements
de recherche : autour des questions du développement durable ; de l’homme, de la société et de la paix ; de l’éducation et de la transmission, de l’éthique et de la santé et, enfin, de la relation judaïsmechristianisme. Chacun de ces départements
fonctionnera sous la responsabilité d’un binôme formé d’un universitaire et d’un
enseignant de la Faculté Notre-Dame.
Grâce à ses multiples activités touchant à l’art, la musique, le cinéma, la formation
théologique, philosophique, la recherche ou le débat, le Collège des Bernardins sera
comme au carrefour d’une société qui réfléchit à son avenir et ose une parole libre sur
l’homme d’aujourd’hui.

« Les Bernardins sont un vrai don de la Providence ! »

Bertrand de Feydeau, directeur général des Affaires économiques du diocèse de Paris, suit avec passion et érudition, depuis dix ans, la rénovation du Collège des Bernardins. L’histoire de ce lieu magnifiquement restauré n’a plus de secrets pour lui. Il a bien voulu répondre à nos questions.

Les Nouvelles de Chaillot : Pouvez-vous nous donner les dates principales qui jalonnent l’histoire du Collège des Bernardins, depuis ses origines ?
Bertrand de Feydeau : Le Collège est achevé en 1152, juste cent ans après la mort de Saint-Bernard. Sa vocation ? Faire bénéficier les moines cisterciens, en retard par rapport aux Dominicains et aux Franciscains, de l’enseignement universitaire, à Paris, alors capitale intellectuelle de l’Europe. C’est Etienne de Lexington (abbé de Clairvaux de 1242 à 1255), soutenu par le pape Innocent IV, qui donnera la principale impulsion à ce projet. En 1320, l’abbé de Clairvaux vend le Collège des Bernardins au chapitre principal des Cisterciens. Dès lors, le Collège deviendra un passage obligatoire pour les moines cisterciens les plus doués et un lieu d’études privilégié pour les futurs abbés. En 1335, le pape Benoît XII, brillant élève et ancien professeur du Collège, confirme la réforme de l’ordre de Cîteaux et l’organisation des études et lancera la construction de l’imposante église des Bernardins qui restera inachevée et dont il ne reste, aujourd’hui, que la sacristie. Son oeuvre réformatrice constituera jusqu’à la fin du Moyen Age, le fondement du Collège des Bernardins.Après de sérieuses difficultés dès les années 1340, le Collège s’engage dans une phase de redressement et de dynamisme. Il compte alors de grands professeurs et les questions les plus en vogue à l’époque (astronomie ou empirisme) y sont disputées. Tout au long du XVe siècle, le Collège formera de nombreux licenciés. Sa réputation culminera au cours de la Réforme du XVIIe siècle. A la révolution, il ne reste plus que six religieux aux Bernardins. Devenu bien national, le Collège est évacué le 1er févier 1791. L’église est vendue et en grande partie démolie par le tracé de la rue de Pontoise en 1810. Les ruines restantes sont rasées en 1859, lors du percement du boulevard Saint-Germain. Le bâtiment principal, resté la propriété de la Ville de Paris est utilisé à des fins diverses jusqu’en 1845 où il devient une caserne de pompiers. Enfin, en 2001, sous l’impulsion de Mgr Lustiger, le diocèse de Paris l’achète à la Ville.

Ce bâtiment restitué dans sa beauté originelle est l’image architecturale du dialogue entre la foi et la raison qui marque
le XIIIe siècle : un message très actuel.

Comment, par sa beauté architecturale retrouvée et les activités qu’il offrira, le Collège des Bernardins renouera-t-il avec sa vocation d’origine ?
Le Collège des Bernardins est le seul bâtiment civil médiéval qui nous reste à Paris. Tous les autres (Grands hôpitaux, le Palais épiscopal) ont été détruits ou reconstruits, tel le Palais royal au XIXe siècle. La Commission supérieure des Monuments historiques nous a demandé de le restaurer dans son état initial du XIIIe siècle. C’est un témoin unique de cette époque. Après nos travaux qui ont duré cinq ans, on retrouve vraiment l’esprit des lieux, avec ce double enracinement spirituel et rationnel des Cisterciens. Nous assistons ici à la forme la plus aboutie de leur expression architecturale. C’est un véritable spécimen de l’architecture cistercienne dans son dépouillement, par la pureté de ses formes et par l’absence de tout artifice de décoration. Ce bâtiment, quoique bâtiment civil, porte la marque de ce que des générations de spiritualité ont apporté à l’architecture. C’est aussi un bâtiment conçu avec beaucoup de rationalité, très fonctionnel avec un découpage optimal de tous les espaces. Ainsi, à travers les aléas de l’Histoire, il a su répondre à des usages aussi divers et contradictoires que ceux d’un collège, d’un entrepôt, d’une caserne de pompiers, chacun y ayant trouvé son compte ! Les Cisterciens avaient mis en oeuvre dans cet ouvrage les techniques les plus avancées dans l’art ogival, dans la consolidation de sols marécageux, ou dans l’usage de matériaux comme les colonnes monolithiques ou celui du plomb. Il était donc normal que le XXIe siècle qui voit sa totale réhabilitation, ait à coeur de mettre en oeuvre, à son tour, les techniques les plus avancées, notamment en matière de diffusion par les médias et par le réseau internet, pour assurer à ce projet un rayonnement comparable à celui qu’il a connu dans ses premières heures.

Qu’apportera le Collège des Bernardins à notre siècle ?
Ce bâtiment restitué dans sa beauté originelle est l’image architecturale de ce courant intellectuel qui marque le XIIIe siècle et qui s’illustre par le dialogue entre la foi et la raison et qui est un équilibre magnifique entre spiritualité et rationalité. Il est un vrai don de la Providence. Ce message est très actuel. Symboliquement, il invite à rouvrir, en ce début de siècle, en des termes qui sont à réinventer, le dialogue entre foi et raison. Le champ d’investigation de l’intelligence humaine s’est considérablement élargi durant le XXe siècle avec un accroissement considérable des savoirs dans tous les domaines. Mais, à chaque fois, se pose le problème des finalités. Avec la question de la responsabilité de l’homme vis-à-vis du monde qui lui est confié. Celle de répartition et de l’usage des richesses créées, de la construction de la Paix, du respect de la nature et de l’environnement. Tout ceci résumé en une seule formule par Mgr Vingt-Trois et qui sera le fil conducteur de la recherche qui se conduira aux Bernardins : « Où va l’homme ? »

Propos recueillis par Odile Douroux

Trois grandes missions

L’art
Par des expositions orientées autour de l’art contemporain, le Collège des Bernardins engagera un dialogue et une réflexion privilégiés avec le public. Chaque année, trois artistes de stature internationale choisis par un comité d’experts du monde de l’art, exposeront leurs oeuvres dans la grande nef du Collège. Dans l’auditorium installé dans le grand comble et équipé pour le cinéma, les projections de film seront variées, avec des films pour enfants suivis d’ateliers de travail sur l’image, des projections-débats et des journées d’approfondissement pour l’éducation du regard. Ce seront « Les Samedis des Bernardins ». Enfin, une place sera donnée à la musique avec une programmation qui s’équilibrera entre musique ancienne, classique et contemporaine. Elle mettra l’accent sur le rapport entre la musique et le sacré.

Les rencontres et débats
Le Collège des Bernardins se veut un lieu de recherche et de débat pour l’Eglise et la société. Débats, colloques et conférences s’étaleront tout au long de l’année, en
un programme dense, autour de la question centrale de l’homme et de son avenir. « Les Mardis des Bernardins » offriront une table ronde thématique, ouverte à tous, sur
les enjeux du monde contemporain autour de questions d’actualités, d’histoire contemporaine, d’art ou encore dialogue et théologie. Ils se dérouleront avec la participation d’acteurs de la société, de responsables politiques, d’entrepreneurs, d’universitaires, d’écrivains, d’artistes. Les colloques des Bernardins inviteront à réfléchir et à partager une expérience sur un centre d’intérêt commun, comme : « Droit, liberté, foi », « L’avenir du développement », « Education et catéchèse », « Misère : de la violence à la dignité », « Mondialisation et humanisme », ou encore « Art et transcendance ». Enfin, « Les Séminaires des Bernardins » proposeront d’approfondir, sous la responsabilité d’universitaires reconnus avec la participation d’enseignants de l’Ecole Cathédrale, des thèmes tels que : entreprise, acteur d’insertion ; géopolitique et religion, éthique biomédicale, et système économique international.

La formation
Le Collège des Bernardins accueille l’Ecole Cathédrale, instance de formation supérieure du diocèse de Paris. Elle est ouverte à toute personne qui, selon sa vocation propre, sacerdotale, laïque ou religieuse, familiale ou professionnelle, souhaite réfléchir, découvrir la pensée chrétienne, se former, témoigner de sa foi ou assumer une responsabilité dans l’Eglise. Rappelons que l’Ecole Cathédrale accueille chaque année 3 000 étudiants venus suivre des cours bibliques et théologiques. Pôle de réflexion et de recherche sur l’Evangile, l’Ecole Cathédrale propose un enseignement qui permet à chacun de découvrir les trésors de la Parole de Dieu. Intégrée à l’Ecole Cathédrale, la Faculté Notre-Dame prépare aux diplômes canoniques en théologie jusqu’au doctorat. Elle accueille des séminaristes du diocèse de Paris et d’autres étudiants souhaitant oeuvrer à la transmission de la foi.
Bâtiment jugé d’intérêt national, avec ses 5 000 m2, le Collège des Bernardins sera certes un lieu d’études mais aussi de convivialité, en plein centre de Paris, ouvrant à tous son café, sa librairie, dans le cadre prestigieux de la grande nef où chacun pourra venir librement échanger, poser des questions ou simplement partager un moment de beauté.

Le Christ des Bernardins

Collège des Bernardins : 18-24 rue de Poissy, 75005 Paris.